Pour la deuxième journée des webinaires LinkedIn #ObjectifEmploi (que nous résumons chaque jour cette semaine), nous avons eu droit à une présentation sur le CV — notre sujet de prédilection ! — par un consultant RH. On l’attendait avec impatience.
Malheureusement, il semble que les conseils proposés lors de ce webinaire n’étaient pas à la hauteur de l’enjeu, et parfois même contre-productifs.
Profitons de l’occasion pour revenir sur (et déconstruire) trois mythes sur le CV qui reviennent régulièrement dans les conseils des soi-disant spécialistes !
NON, il ne FAUT pas faire un CV sur une page
Nous avons déjà longuement parlé du sujet dans un article, en citant plusieurs études aux résultats contradictoires : Faut-il faire un CV sur une page ou deux ?
Soyons clairs : dans l’état actuel de nos connaissances, on ne sait pas dire si un CV est plus efficace sur une ou deux pages. Ceux qui vous affirment avoir la réponse sans parler spécifiquement d’un contexte ou d’une situation vous parlent de leur préférence personnelle (qui, on le sait bien, ne détermine pas le comportement).
En revanche, les études montrent clairement que certains critères sont déterminants pour être pris en entretien, notamment : l’adéquation entre les formations, les expériences, les compétences et le poste visé. Et la grande majorité des candidats ne prennent pas le temps de faire cela (en revanche, ils s’inquiètent de la taille de leur CV).
Le meilleur conseil que l’on puisse donner sur la taille du CV serait donc le suivant : citez des éléments factuels qui sont en adéquation avec le poste que vous ciblez. Soyez concis et donnez des résultats. Si vous avez besoin d’une page pour cela, très bien. Si vous avez besoin de deux pages, très bien aussi.
La plupart du temps, une page suffira pour faire tout ça ! Et un bon exercice pour être concis consiste à essayer de le faire tenir sur une page (la fameuse contrainte créative). Mais il ne faut pas croire que deux pages seront pénalisantes ! Le plus important est que les contenus soient pertinents.
Pourquoi ce conseil des CV qui doivent tenir sur une page est problématique ? Non seulement car il est eronné en tant que tel si l’on s’en réfère aux éudes sur le sujet, mais aussi car pour certains candidats, un CV sur deux pages est bien la meilleure option pour présenter leur parcours !
Attention, si on connaît bien le contexte, un conseil sur le nombre de pages peut être pertinent. Récemment, quand nous abordions le sujet du CV pour Parcoursup, la question se tranchait vite : quand on est lycéen, il vaut mieux faire son CV sur une page.
NON, votre CV n’est pas filtré par les ATS quand vous postulez
Nous avons abordé le sujet en détail dans un article récent, en essayant notamment d’expliquer comment se passe une candidature côté recruteur : Faut-il faire un CV pour les algorithmes ?
Là aussi, soyons clairs : les logiciels de traitement des candidatures (ATS) ne sont pas utilisés pour filtrer automatiquement les CV des candidats. Si vous répondez à une offre, l’ATS ne va pas bloquer votre candidature. Demandez simplement à des recruteurs comment ça fonctionne.
De plus, la loi oblige les entreprises à informer les candidats que leur traitement sera entièrement automatisé (et à recueillir leur consentement pour cela). Et les candidats peuvent exiger que le traitement soit fait par un humain.
Quelle est la seule optimisation pertinente pour les “robots” ?
Celle qui vous permettra d’être trouvés, quand le recruteur tape un mot clé dans un moteur de recherche (Indeed, Google, Cadre Emploi). Ces cas représentent 3% des postes pourvus (étude DARES 2017 (1)).
Pourquoi ce mythe est problématique ? Car les candidats qui ne reçoivent pas de réponse pensent que leur CV a été exclu pour les mauvaises raisons. S’il a été exclu, c’est parce qu’un recruteur ne l’a pas jugé pertinent. Et plutôt que de chercher des « hacks » pour passer les filtres, il vaudrait mieux comprendre les raisons de cette exclusion.
NON, le CV n’est pas une synthèse de votre parcours
On entend souvent dire que le CV doit être une synthèse de son parcours. Non, le CV doit présenter une SÉLECTION des compétences, expériences et missions en adéquation avec le poste que l’on vise.
Il est par exemple tout à fait pertinent de détailler une expérience qui répond exactement à l’offre qu’on vise, et de rester plus vague sur une autre expérience moins intéressante (même si elle a duré plus longtemps ou si elle est plus récente).
Il y a ici confusion entre le mot synthèse et le mot concision. Oui, un CV doit aller droit au but et ne pas s’étaler inutilement, mais ça ne doit pas pour autant être une synthèse.
Ce sujet peut sembler anodin, mais il est important car de nombreux candidats essaient de “résumer qui ils sont” sur une seule page (le principe d’une synthèse, donc) — ce qui est bien souvent impossible et amène à faire une sorte de résumé mou, totalement non convaincant.
A l’inverse, quand on explique à ces gens qu’ils n’ont pas à faire une synthèse, c’est bien souvent l’illumination !
Quatre typologies de conseils CV
- Comment sait-on ce qui fait qu’un CV est efficace (ou pas) ?
- Comment peut-on savoir ces choses-là ?
- Comment peut-on donner des conseils pertinents ?
- Et lesquels faut-il écouter ?
C’est ce qu’on vous propose d’étudier maintenant !
Quatre grandes typologies de conseils semblent exister, en fonction de la manière dont l’expertise (ou la non expertise) du spécialiste s’est construite. Étudions-les plus en détail !
1/ Les conseils CV qui s’appuient sur les goûts personnels
Commençons par le plus simple : les goûts et les couleurs ! Le spécialiste nous dit qu’il préfère telle ou telle couleur, on qu’il préfère 1 page ou 2 pages, ou tel type de police. OK, pourquoi pas. Mais quel intérêt cela représente-t-il concrètement pour faire un CV ? Cette opinion s’est-elle construire sur des faits, des études, une intuition, son expérience personnelle ? Ou bien s’agit-il simplement d’une préférence ?
La psychologie expérimentale sait depuis bien longtemps que nos préférences ne dictent pas nos comportements (je dis quelque chose et je fais l’inverse).
Un goût personnel, au final, ne veut pas dire grand chose. Il faut comprendre pourquoi cette opinion est énoncée, sur quoi elle s’appuie. Et pour le savoir, il va falloir étudier les trois autres typologies de conseils.
2/ Les conseils CV qui s’appuient sur l’expérience et l’intuition
L’expérience (que ce soit en tant que recruteur ou en tant que conseiller emploi) est tout à fait pertinente pour donner des conseils, pour peu que le processus de déduction du professionnel soit solide ! Là encore, il faut comprendre la manière dont l’expert tire des conclusions de sa propre pratique.
Un conseiller emploi qui constate que tel ou tel type de CV (ou de lettre de motivation) a tendance à ne pas fonctionner, par exemple, en tirera petit à petit des conclusions et affinera sa pratique et sa compréhension. Il procédera par lui-même à une sorte de démarche expérimentale par l’intuition.
Un recruteur qui constate qu’il favorise certains profils en raison d’une spécificité dans sa candidature va pouvoir proposer des conseils sur la base de cette expérience. On ne parle pas ici d’une simple opinion (« je préfère »), mais d’une construction basée sur l’expérience.
Un indice pour aider à identifier les conseils basés sur l’expérience : quand ces conseils s’appuient sur des cas concrets, des expériences vécues, des histoires, des exemples, alors on sait qu’il y a quelque chose de vrai, on peut comprendre le contexte et voir l’intérêt d’appliquer telle ou telle pratique.
Cependant, nous savons aussi que les biais cognitifs viennent mettre leur nez dans les analyses (dans les nôtres comme dans celle des experts !). L’expert peut facilement généraliser à partir de peu de cas, il peut aussi être influencé par le premier argument qu’il a entendu sur le sujet, etc. On gardera donc notre esprit critique en alerte, en prenant soin de toujours demander si le conseil n’est pas en contradiction avec un autre conseil, ou s’il est logique.
Cependant, une chose est sûre : un coach, un conseiller ou un recruteur qui ne vous parle que de généralités ne parle pas par expérience.
3/ Les conseils CV qui répètent (sans les vérifier) les conseils des autres
Il s’agit probablement des conseils les plus insidieux ! L’effet de groupe nous induit à penser « si tout le monde le dit, ça doit être vrai », et on ferme alors notre esprit critique. La meilleure arme pour cela, c’est de se demander systématiquement (eh oui, c’est du boulot !) d’où vient une information.
Et on peut parfois être très surpris !
Pour vous donner un exemple : aux Etats-Unis, on entend souvent dire que 75% des CV sont bloqués par les ATS. Si on essaie de trouver l’origine de cette affirmation (ce qu’a fait le recruteur Jan Tegze dans cet article), on se rend compte que Forbes a publié en 2014 un article d’un « Coach Emploi » dans lequel l’expert autoproclamé donnait cette statistique, et qui est repris par de nombreux autres sites comme « source ».
D’où vient ce chiffre de 75 % ? Mystère ! Aucune étude ne parle de ça.
Une explication, peut-être : un article publié un an plus tôt par le magazine Ere, expliquait que 75% des CV rejetés avant l’entretien l’étaient soit par l’ATS, soit par le recruteur, et que les 25% restants l’étaient rejetés par le manager en charge du recrutement. Ce qui est assez classique dans un processus de recrutement !
Est-ce là l’étude originelle ? Peut-être. Impossible de savoir. Mais si c’est le cas, on peut voir comment l’information s’est simplifiée au fur et à mesure des publications : soudainement, les ATS sont devenus seuls responsables de ces 75 % de rejet et les recruteurs sont devenus inexistants dans le processus ! Et pas mal de monde répète ensuite cette information, sans la vérifier.
Pour bien vérifier que les conseils sont pertinents, il n’y a pas de secret, il faut remonter la source des informations et évaluer leur solidité. Un expert, ou article de journal donne une information ? OK, d’où vient-elle ? Et remonter ainsi le fil jusqu’à la source originelle.
4/ Les conseils CV qui s’appuient sur une démarche scientifique et expérimentale
La méthode scientifique et expérimentale, qui consiste à dresser des hypothèses, à construire une expérience dont le but est de vérifier cette hypothèse, et à en tirer des conclusions (qui seront elles-mêmes soumises ensuite à d’autres critiques) a été développée au fil des siècles pour répondre aux questions qu’on se pose sur le fonctionnement d’un phénomène.
Une bonne démarche expérimentale demande du temps, des compétences solides, et un processus rigoureux de validation et de publication par les experts.
C’est donc bien sûr la méthode la plus adaptée pour comprendre ce qui fait un bon CV, une bonne lettre de motivation, un bon entretien, etc.
Comment savoir si une étude est sérieuse ? C’est souvent tout le débat ! Il existe des études réalisées par des entreprises pour illustrer un point précis (exemple : ResumeGo qui cherche à savoir si un CV sur une ou deux page est plus efficace) (2), d’autres par des professionnels du recrutement qui veulent comprendre un phénomène (exemple : un recruteur qui crée 2 profils LinkedIn et fait varier des paramètres pour évaluer la différence entre les taux de contact), d’autres encore (la majorité !) qui sont réalisées par des chercheurs et publiées dans des revues à comité de lecture (c’est-à-dire qu’elles passent par un processus de validation rigoureux).
Même si les premières études et expérimentations ont leur intérêt (notamment pour éclairer un sujet peu traité), ce sont ces études scientifiques qui offriront les apprentissages les plus solides ! (2)
Or, dans le domaine du CV et de l’emploi, il y en a beaucoup !
Quelles études existent sur le CV et l’emploi ?
Il existe en effet de (très) nombreuses études scientifiques sur le CV et l’emploi, que nous lisons avec soin pour alimenter nos conseils et notre application de création de CV ! Depuis près de 50 ans, des chercheurs créent des expérimentations pour savoir l’importance de tel ou tel critère dans la recherche d’emploi, dans le CV, la lettre de motivation, l’entretien, etc.
Nous avons par exemple publié un résumé de 26 articles de la littérature scientifique concernant simplement la perception des soft skills dans le CV. Et il y en avait encore d’autres qu’on aurait pu ajouter ! En savoir plus sur les soft skills.
Voici aussi un extrait de nos notes personnelles sur le CV pour illustrer le type de données qui peuvent être tirées de plusieurs études (toutes les affirmations en rose pointent vers l’article scientifique qui donne cette conclusion — attention, cette conclusion se tire dans un contexte expérimental donné, on ne peut quasiment jamais généraliser) :
Il existe donc bel et bien des études sérieuses sur le sujet de l’emploi et du CV, des études qui peuvent nous éclairer fortement sur les processus de décision qui rentrent en jeu dans un recrutement.
Pour vous donner en exemple : une étude récente (3) menée auprès de 445 recruteurs nous dit qu’un CV bourré de fautes d’orthographe possède — dans le contexte qui est celui de l’expérimentation — 18,5 % de chances de moins d’être sélectionné qu’un CV sans faute (on descend à 11,2 % s’il n’y a « que » quelques fautes).
Un peu plus loin, on apprend même la raison évoquée par les recruteurs ayant participé à l’expérimentation : 32 % estimaient que les fautes étaient un indice de moins bonnes capacités mentales de la part du candidat, 12 % car cela témoignait d’une consciensciosité plus faible et 9% car cela marquerait de moins bonnes qualités de communication interpersonnelles (ce qui, soit-dit en passant, est un jugement hâtif et stéréotypé).
Une autre étude menée sur 480 948 candidats (!) nous apprend qu’un correcteur orthographique sur le CV augmente de 8% les chances d’être recruté — et même de 8% le salaire horaire final une fois en poste ! (4)
Incroyable, non ? Quelle précision dans la recherche ! Bien sûr, une étude ne suffit pas, et il faut confronter ces résultats avec d’autres études qui auraient répété la démarche (en l’occurrence, en ce qui concerne l’orthographe, les résultats sont solides !)
Pourquoi se passer de telles conclusions quand on donne des conseils sur le CV ?
Plutôt que d’énoncer des généralités ou ses préférences personnelles, ne serait-il pas temps de s’appuyer sur des données sérieuses et empiriques — ou bien parfois avouer qu’on ne sait pas, ou bien qu’on devine et qu’on tâtonne ?
C’est en tout cas notre démarche chez DoYouBuzz, c’est ce qu’on fait depuis maintenant plus de 15 ans : construire un éditeur de CV, proposer des coachings CV et des ateliers de groupe en accord avec cette complexité du recrutement. Si c’est aussi ce que vous recherchez, n’hésitez pas à nous suivre sur LinkedIn pour discuter de tout ça !
Nos conseils CV
Avec plus de 15 ans d’expertise CV, profitez des nombreux guides à votre disposition pour vous aider à rédiger un CV parfait :
- Quels centres d’intérêt renseigner dans mon CV ?
- Que faut-il écrire dans mon texte de présentation de CV ?
- Comment démontrer des capacités d’adaptation sur mon CV ?
- Faut-il mettre une photo sur son CV ?
Retrouvez tous nos conseils en parcourant nos articles de blog !
Notes
(1) REMY, Véronique, et Maxime BERGEAT. « Comment les employeurs recrutent-ils leurs salariés ? | Dares ». DARES Analyse. Ministère du Travail, 4 octobre 2017. https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/comment-les-employeurs-recrutent-ils-leurs-salaries.
(2) Attention aussi sur la solidité des études scientifique, car même dans le cas d’une étude publiée dans une revue à comité de lecture, un résultat ne suffit pas à lui tout seul à prouver quoi que ce soit, il faut généralement un faisceau d’études qui répètent l’expérience pour qu’on puisse affirmer une information avec autorité.
(3) Sterkens, Philippe, Ralf Caers, Marijke De Couck, Michael Geamanu, Victor Van Driessche, et Stijn Baert. « Costly Mistakes: Why and When Spelling Errors in Resumes Jeopardise Interview Chances ». SSRN Electronic Journal, 2021. https://doi.org/10.2139/ssrn.3900876.
(4) Inwegen, Emma van, Zanele Munyikwa, et John J. Horton. « Algorithmic Writing Assistance on Jobseekers’ Resumes Increases Hires ». Papers, Papers, janvier 2023. https://ideas.repec.org//p/arx/papers/2301.08083.html.