Vous connaissez la situation : vous avez trouvé une offre d’emploi qui vous plaît, mais il vous reste un dernier détail à régler : rédiger votre lettre de motivation.
Et là, c’est le drame.
Vous détestez les lettres de motivation.
Comment montrer votre motivation ? Comment expliquer ce qui vous inspire dans l’entreprise ? Vous avez juste très envie de rejoindre cette entreprise, est-ce que ça ne suffit pas ?
Et c’est là qu’intervient le copywriting, une discipline qui consiste à écrire des textes persuasifs dans le but d’attirer l’attention, de susciter l’intérêt et de convaincre une audience spécifique.
Au fil des ans, les copywriters ont découvert des techniques qui marchent mieux que d’autres, et ils les ont décortiquées et codifiées pour accélérer leur travail. Plutôt que de partir d’une page blanche, ils appliquent une méthode afin de rédiger plus rapidement un contenu efficace.
Aujourd’hui, nous allons aborder 4 méthodes issues du copywriting pour vous aider à donner un coup de neuf à votre lettre de motivation. Chaque section comprend des explications détaillées et des exemples concrets pour vous guider pas à pas.
Nous allons commencer par la méthode la plus connue et la plus facile à appliquer — la méthode AIDA — avant de vous montrer des techniques plus originales et avancées (attention, elles ne s’appliqueront pas à toutes les situations !).
La méthode AIDA
Pour comprendre la méthode AIDA, imaginez-vous dans une foule.
Vous regardez les gens qui passent devant vous, c’est une masse floue d’individus qui marchent, qui parlent… Et sans que vous sachiez pourquoi :
- [A] votre regard se pose sur une silhouette de dos, un manteau rouge, des cheveux bruns. Votre regard y reste posé quelques secondes
- [I] Vous faites un pas de côté et vous reconnaissez une amie d’enfance.
- [D] Immédiatement, vous avez envie d’aller lui parler :
- [A] vous faites un pas dans sa direction pour l’aborder.
Vous venez de faire l’expérience d’une séquence en 4 phases, que l’on décrit sous l’acronyme AIDA (pour Attention, Intérêt, Désir, Action). Ces 4 phases décrivent comment passer d’une situation initiale où rien de particulier ne se passe à une action concrète. Elle est utilisée en marketing pour structurer la stratégie et le discours à mettre en place.
Voyons maintenant comment elle fonctionne et comment l’appliquer à une candidature.
1. Attention
Avant d’acheter un produit, il faut qu’on sache qu’il existe, non ? Ici, cela veut dire que le recruteur doit être au courant de votre existence et de votre recherche d’emploi.
Si vous répondez à une offre d’emploi, le simple fait de remplir le formulaire ou d’envoyer l’email de candidature suffit généralement (sauf cas exceptionnel, les recruteurs lisent toutes les candidatures qui leur sont envoyées).
Si vous envoyez une candidature spontanée, c’est assez simple aussi, mais il y a quelques obstacles potentiels. Assurez-vous notamment des éléments suivants :
- Vous vous adressez à la bonne personne (votre futur manager si c’est pour une entreprise) ;
- Si vous envoyez un email, assurez-vous d’avoir le bon (utilisez hunter.io) et travaillez l’objet de l’email pour vous assurer au moins de son ouverture ;
- Si vous envoyez un message LinkedIn, assurez-vous que la personne s’y connecte régulièrement et qu’elle lira donc ses messages.
☝️ Et si votre CV est filtré par les algorithmes des ATS ?
C’est une crainte répandue en ce moment : est-ce que mon CV va être bloqué par les algorithmes des logiciels de candidatures ? Nous avons étudié la question en détail et notre conclusion est que dans la grande majorité des cas, votre CV sera lu par un recruteur humain. Si vous ne recevez pas de réponse, c’est sûrement dû à un autre problème.
Alors, une fois que vous avez capté l’attention du recruteur, que vous reste-t-il à faire ? C’est là que de nombreux candidats baissent les bras. C’est pour cela que la phase suivante est cruciale.
2. Intérêt
Une fois que vous êtes rentré dans le rayon attentionnel de votre recruteur, vous allez maintenant essayer de susciter son intérêt.
Le passage de l’attention à l’intérêt se passe en une fraction de seconde. C’est assez subtil. Dans l’exemple de la foule ci-dessus, c’est votre regard qui se pose un peu plus longtemps sur la silhouette qui vous a interpelé.
Du côté du recruteur, cela veut dire qu’il va percevoir quelque chose qui lui donne envie d’aller un peu plus loin.
De quoi parle-t-on exactement ? Quel est ce petit quelque chose ?
Pour un recruteur qui lirait des centaines de candidatures par jour, ce petit quelque chose est bien souvent très simple : s’il trouve simplement un candidat qui répond grosso modo à ce qu’il cherche, alors son intérêt sera éveillé.
Pour vous, cela signifie uniquement que vous devez expliquer en quoi vous répondez à son besoin.
Quelques exemples qui peuvent convaincre le recruteur (les plus efficaces en premier) :
- Vous faites le même job actuellement ;
- Vous avez déjà fait le même job dans le passé (plus c’est proche, mieux c’est) ;
- Vous avez déjà mené des missions similaires ;
- Vous n’avez pas pratiqué ce métier spécifiquement, mais vous avez pratiqué quelque chose de similaire, et vous avez les bonnes compétences associées.
Attention cependant, dans cette étape, il existe un piège majeur : vous pouvez avoir le meilleur contenu, les meilleurs arguments, ceux-ci seront considérablement entachés si vous n’avez pas pris garde à une chose : la forme de votre message.
Si votre ton n’est pas adapté (trop formel / trop informel / trop sec), ou si l’orthographe n’est pas au rendez-vous (voir notre article sur le sujet), vous risquez de freiner vos chances à cette étape. L’essentiel est de ne pas viser à côté, soyez donc vigilant !
Si vous avez fait attention à tout cela, alors à ce stade de la méthode AIDA, le recruteur sait que vous êtes un candidat qui rentre globalement dans ses critères. Félicitations !
C’est bien. Mais ce n’est pas suffisant. Maintenant, il est temps de faire monter les enchères et de donner envie au recruteur de vous rencontrer !
3. Désir
Si vous avez bien respecté la méthode AIDA, vous avez ici un recruteur qui s’intéresse déjà à vous. C’est ici que vous allez pouvoir enfoncer le clou et montrer que vous n’êtes pas seulement une personne pertinente pour faire le job, mais que vous êtes LA personne qu’il lui faut, tout simplement.
Quels sont les arguments qui vont faire mouche à ce stade ? Il y en a plusieurs :
- Mentionner des résultats. Non seulement, les résultats montrent que vous avez déjà fait ce dont le recruteur a besoin, mais en plus, vous avez obtenu des résultats que vous êtes capables de mentionner ? Cela signifie que vous pourrez probablement faire de même dans son entreprise. Quel recruteur n’aurait pas envie de ça ?
- Multiplier les exemples. Plus vous avez d’expériences ou de missions qui correspondent à ce dont le recruteur a besoin, plus votre crédibilité augmentera. Limitez-vous à 3 ou 4 exemples maximum, c’est largement suffisant pour l’argument.
- Des recommandations. Il est toujours difficile de parler de soi. Avec les recommandations, on peut utiliser n’importe quel superlatif sans avoir l’air arrogant. L’effet miroir joue ici à fond (le recruteur se met à la place de votre ancien manager). Un petit conseil : n’hésitez pas à éditer le texte de la recommandation pour la rendre plus digeste dans le cadre de votre lettre de motivation (c’est ce que font tous les journalistes quand ils retranscrivent des interviews).
- Chiffrer. Donner des chiffres quand vous mentionnez vos expériences, vos missions, vos compétences. Les chiffres aident à se projeter et inspirent confiance, ils donneront une impression de solidité à votre candidature.
À noter : il est tout à fait possible que l’un des éléments que vous mentionnez ici soit utilisé comme argument dans les étapes Attention et Intérêt. Vous pourriez ainsi utiliser un résultat significatif dans une expérience précédente pour éveiller l’intérêt de votre interlocuteur dès le début.
Maintenant que vous avez donné ces arguments, il vous suffit de proposer un passage à l’action pour conclure en beauté.
4. Action
Si vous avez suffisamment intéressé le recruteur, cette dernière étape n’est qu’une formalité : il s’agit simplement de conclure en montrant votre disponibilité pour la suite du processus ;
Faite juste attention à ne pas trop vous griller en utilisant une formule désuète (“Je vous prie de bien vouloir bla bla bla”) ou au contraire trop sûre (“J’attends votre réponse”).
Si vous pensez avoir un bon profil, vous pouvez utiliser la technique des “ventes flash”, qui consiste à pousser votre interlocuteur à l’action en utilisant une contrainte de disponibilité (par exemple : votre candidature est déjà bien avancée dans une ou deux autres entreprises).
Pour vous aider à visualiser ces concepts en action, voici un exemple de lettre de motivation qui suit la méthode AIDA.
Exemple de lettre de motivation (méthode AIDA)
[A] Objet : Candidature pour votre poste de Lead Dev
Bonjour,
[I] Je travaille depuis 5 ans comme Lead Developer Python chez The Startup et j’ai découvert votre annonce pour un poste de Lead Dev chez WoWow sur LinkedIn.
[D] Au fil des ans, j’ai pris en charge de nombreuses problématiques qui semblent correspondre à vos besoins :
- Gestion de la montée en charge (+500 % de trafic en 3 ans, 2 millions de requêtes / sec)
- Intégration et encadrement d’équipe (5 salariés, 2 alternants)
- Amélioration des bonnes pratiques (plusieurs formations par an, mise en place de systèmes de “pair mentoring”)
Je suis particulièrement intéressé par WoWow en raison de la renommée de vos équipes techniques et des projets que vous menez, et je suis convaincu que mon expérience peut contribuer à vous aider à gérer votre croissance.
[A] Je suis disponible pour discuter de cette opportunité et je peux me libérer en journée pour un entretien. J’ai hâte de discuter de la façon dont je peux apporter ma contribution à votre équipe.
Merci pour votre considération et j’espère à bientôt !
Jean Michel Développeur
Tel : 06 XX 34 56 78
Email : jean.michel@example.com
Vous l’avez compris, la méthode AIDA, c’est sympa, mais ça reste assez classique ! Si vous avez envie d’une approche un peu plus agressive, alors ne quittez pas, car là, nous allons passer au rouleau compresseur : le PAS !
La méthode “PAS”
Pour comprendre la méthode PAS (Problème, Agitation, Solution), imaginez que vous déjeunez avec un ami qui travaille dans une autre entreprise. Il vous explique que la situation est complexe en ce moment chez eux : “on a signé tellement de clients récemment qu’on a du mal à les former sur notre solution, on manque de monde, c’est un peu la panique pour réussir à déployer !”.
Après avoir creusé un peu le problème, vous vous rendez compte que vous êtes capable de les aider dans cette situation ! Seulement, votre ami n’est pas recruteur, il va falloir contacter sa responsable. Comment la convaincre ? C’est ici qu’entre en jeu la méthode PAS.
Cette méthode consiste à mettre l’accent sur les problèmes rencontrés par l’employeur en suscitant de “l’agitation” (on parle aussi d’amplification), puis en offrant des solutions claires et pertinentes. Cette méthode permet de démontrer votre compréhension des besoins de l’entreprise et votre capacité à y répondre de manière proactive.
Attention, cependant, cette méthode sera pertinente dans des cas très précis où le problème est clairement identifié et accepté comme tel par le recruteur.
1. Problème
Dans cette première partie de votre lettre de motivation, vous devez identifier clairement le problème ou le besoin de l’entreprise pour laquelle vous postulez.
Bien souvent, les offres d’emploi parlent assez peu des “problèmes” de l’entreprise, elles ont tendance à formuler leurs problématiques de manière positive et parfois à cacher simplement les vrais problèmes qu’elles rencontrent. C’est pour ça que la méthode “PAS” est probablement plus adaptée aux candidatures spontanées ou aux démarches réseaux.
Dans l’exemple que nous avons imaginé en introduction, vous pourriez ainsi envoyer un email à la responsable de votre ami (en s’assurant que vous pouvez la contacter, que le problème en question n’est pas confidentiel, etc.) :
Bonjour Alice,
J’espère que vous allez bien.
Mon ami Bob, qui travaille chez vous en tant que [POSTE], m’a récemment parlé des défis que vous rencontrez en raison de votre forte croissance. Il m’a expliqué que la rapidité de votre expansion rend difficile la formation de vos nouveaux clients sur votre plateforme ABC.
Pour l’instant, rien de sorcier, donc ! Vous montrez juste que vous avez compris la problématique en la reformulant. C’est vraiment dans l’étape suivante, la phase d’Agitation, que la méthode “PAS” prend tout son intérêt !
2. Agitation
Cette phase consiste à insister sur les conséquences négatives du problème identifié dans la phase précédente.
Ici, on aide son interlocuteur à se projeter sur ce qui va se passer s’il ne résout pas le problème initial. En somme, si le problème de base était encore tolérable, les conséquences que vous allez exposer dans cette phase sont bien plus graves.
Il s’agit non seulement de convaincre votre interlocuteur que le problème mérite d’être résolu rapidement et efficacement, mais aussi de montrer que vous maîtrisez pleinement la complexité du sujet.
Toute la difficulté de cette partie consiste à rester crédible sans aller dans la dramatisation. Il est également primordial de ne pas faire preuve d’arrogance en donnant l’impression que vous pensez en savoir plus que votre interlocuteur (en bref, ne lui expliquez pas son travail, il est sûrement conscient lui aussi des problèmes que vous allez mentionner).
Voici un exemple d’Agitation qui prend en compte ces difficultés :
Je comprends combien il peut être difficile de gérer une telle croissance tout en maintenant la qualité des services.
Bob m’expliquait que cette situation commençait à impacter significativement vos équipes commerciales, qui doivent consacrer une partie de leur temps à ces formations. Comme il le mentionnait, cela va probablement ralentir vos efforts de croissance et risquer de décevoir certains clients récemment signés, qui pourraient alors se tourner vers des concurrents comme X ou Y.
J’ai personnellement observé ce genre de problème chez MKL qui n’a pas su gérer sa croissance et a dû déposer le bilan 4 ans après une croissance à 30 %.
Comme vous pouvez le voir, on part d’un problème de formation, et on finit par un dépôt de bilan, une belle agitation ! L’idée sous-jacente de l’agitation est de montrer que le problème est complexe, qu’il possède de nombreuses ramifications et que non traité, il peut poser des problèmes graves. En d’autres termes : il n’a pas l’air facile à résoudre !
Comment faire, alors, pour résoudre ce problème ? En lui apportant une solution clé en main : vous, et votre expérience !
3. Solution
La solution que vous allez apporter va résoudre la tension amenée par l’agitation du problème. Votre solution va résoudre tous les problèmes mentionnés précédemment, comme une baguette magique !
Le meilleur moyen de montrer que vous êtes la bonne personne pour le job est de montrer que vous avez déjà résolu ce genre de problèmes dans un contexte similaire.
Voici un exemple :
Ayant moi-même été confronté à des situations similaires dans mes expériences passées, je sais combien il est crucial de trouver rapidement une solution efficace. Lors de mes précédentes missions chez [Entreprise A] et [Entreprise B], j’ai développé et mis en place des solutions de formation en ligne qui ont permis de réduire de 40 % la charge de formation pour les équipes en place. Mon approche combine des modules de formation automatisés, pour l’efficacité, avec des sessions en direct qui permettent de conserver l’aspect humain crucial dans le domaine commercial.
Je suis convaincu que nous pourrions adapter cette solution à vos besoins spécifiques chez ABC et ainsi :
- Réduire la charge de formation de vos équipes.
- Améliorer la satisfaction et la rétention de vos clients.
- Permettre à vos équipes commerciales de se concentrer sur l’acquisition de nouveaux clients.
Si vous n’avez pas déjà mis en place de solutions similaires, aidez simplement la personne à se projeter dans la solution que vous avez imaginée pour elle :
J’ai déjà vu des entreprises basculer sur des systèmes de formation hybrides qui réduisaient de 75 % la charge de formation auprès des salariés tout en maintenant un contact humain, et je serai très heureux de vous montrer le principe. En 3 mois, vous aurez un process de formation qui tourne efficacement, sans avoir besoin de recruter plus de formateurs !
En utilisant la technique “PAS” dans votre lettre de motivation, vous démontrez votre capacité à comprendre les besoins de l’entreprise, à anticiper les défis et proposer des solutions pertinentes. Mais encore une fois, soyez vigilant sur son utilisation, car elle n’est pas adaptée à toutes les situations !
Vous l’avez vu, la méthode PAS agit comme un outil pour construire une tension qui se retrouve résolue à la fin. Mais si vous cherchez à créer un lien plus personnel et émotionnel avec le recruteur, il est temps de sortir l’outil préféré de nombreux marketeurs : le storytelling.
Le storytelling du candidat
En marketing, le storytelling consiste à raconter des histoires pour faire passer un message. Raconter des histoires ne veut pas dire ici “inventer une histoire”, mais utiliser les codes de la narration pour “montrer” quelque chose qui s’est passé dans votre vie et qui illustre un point important de votre parcours.
Les histoires nous touchent profondément, car elles nous permettent de “simuler” la réalité. Quand on écoute une histoire, certains des mêmes neurones qui s’activeraient si nous vivions réellement la situation décrite s’activent effectivement. Ce phénomène est lié au système des neurones miroirs, il nous permet de comprendre et de simuler mentalement les actions et les émotions d’autrui.
Dans le cadre d’une lettre de motivation, nous avons identifié deux types de storytelling différents : soit pour raconter l’histoire du candidat (vous !), soit pour mettre en scène une difficulté que vous avez surmontée et qui met en avant vos qualités.
Attention cependant, car le storytelling est peu utilisé dans le cadre formel des lettres de motivation, aussi son utilisation n’est pas sans risque. Comme vous le constaterez avec les exemples que nous donnons plus loin, la lettre de motivation en mode storytelling commence par une histoire qui n’a rien à voir avec l’entreprise, et cela peut déstabiliser le recruteur. Cependant, une fois passé l’inconfort initial, la pleine puissance du storytelling prend le relais.
Nous vous recommandons donc de n’utiliser ces techniques que si vous êtes parfaitement à l’aise avec, si vous pensez que cela correspond à l’entreprise, au secteur, ou au recruteur que vous ciblez. Bien sûr, si les lettres de motivation plus traditionnelles n’ont pas l’air de fonctionner, essayez de donner une chance au storytelling.
Commençons par la plus simple et la plus répandue : le storytelling du candidat.
Storytelling du candidat en action
“J’ai toujours adoré programmer. Quand j’avais huit ans, on m’a offert un manuel de PHP et je m’y suis plongé avec fascination. Depuis je n’ai pas arrêté de bricoler sur mon ordi”.
Ça, c’est un exemple de storytelling de candidat : le candidat raconte sa vie et il est le centre de l’attention. Il sert notamment à ce que le recruteur comprenne que vos motivations profondes sont alignées avec celles de son entreprise — signal extrêmement rassurant pour une organisation. Ce type de storytelling sera particulièrement adapté dans le cadre des reconversions ou des débuts de carrière.
Traditionnellement, c’est aussi souvent utilisé pour les “métiers passions” (musique, cinéma, photo, jeux vidéo, informatique). Le problème ici, c’est que beaucoup de candidats concurrents utiliseront ce type de storytelling candidat, vous aurez donc plus de mal à vous distinguer. Si en revanche vous êtes dans un métier plus classique (chef de projet, comptable, assistant·e de direction, commercial·e, etc.), c’est une approche plus intéressante !
Mais avant de se lancer dans la rédaction d’une lettre de motivation qui utilise le storytelling, il peut être intéressant de comprendre qu’une bonne histoire comprend un certain nombre d’éléments. Nous allons les passer en revue avant de compléter l’exemple donné en introduction.
Le héros (c’est vous !)
Le héros de l’histoire, c’est vous. L’objectif est que le recruteur s’identifie à vous — cela signifie qu’il doit comprendre qui vous êtes, d’où vous venez, et vos motivations profondes.
Pour aider le lecteur à comprendre le héros, vous pouvez utiliser plusieurs outils narratifs. Vous n’êtes pas obligé de les utiliser tous, mais nous vous conseillons de vérifier que l’un ou l’autre est présent dans votre histoire :
- Le décor dominant : c’est tout simplement l’environnement principal dans lequel le héros a évolué jusqu’à présent. Il peut s’agir du monde associatif, du monde des startups, du monde du conseil en entreprise. Rien de sorcier ici, l’idée est que cet environnement aidera à comprendre qui est le héros ;
- Les épreuves initiatiques : ce sont les premières expériences du héros, celles qui lui ont permis d’acquérir ses premières compétences professionnelles. Elles sont intéressantes, car elles démontrent des qualités qui sont présentes chez le héros depuis très longtemps — comme si elles étaient dans son ADN ;
- Le stéréotype / archétype : dans la plupart des histoires, on peut identifier le héros à un stéréotype ou archétype connu : le flic solitaire, l’orphelin à l’enfance difficile, le petit génie, l’amoureux transi. Ces stéréotypes sont intéressants, car ils aident le lecteur à comprendre le héros en un clin d’œil.
Le héros est central dans toute histoire. Sans héros, pas d’histoire. Mais pour que ce héros soit intéressant, il faut qu’il soit engagé dans une quête !
La quête
La quête, c’est un objectif lointain, peut-être même irréalisable, qui dépasse la simple recherche de poste. C’est ce qui poussera notre héros à se dépasser et à traverser les épreuves.
Dans une recherche d’emploi, le poste que vous cherchez n’est pas l’aboutissement de votre quête, ce n’est qu’une étape, un moyen pour vous de vous rapprocher de votre objectif. En effet, si obtenir ce poste est votre but ultime, qu’est-ce qui vous poussera à continuer de progresser ensuite ? Ne laissez pas l’impression (même implicite) que vous allez vous reposer sur vos lauriers !
Vous êtes donc en quête de quelque chose. Pour que la confiance se crée, il faut que le lecteur comprenne que cette quête a commencé il y a bien longtemps, et que vous êtes dans une progression vers cette quête, si possible ascendante ! Voyons ce que ça veut dire.
La progression
Un héros peut prendre parfois des détours, faire des mauvais choix, mais si on regarde son parcours sur le long terme, on voit qu’il a progressé. C’est la même chose avec votre histoire, on doit comprendre que le héros est dans une phase logique de progression. Il n’est pas au même endroit qu’il y a 5 ou 10 ans, et entre temps, il a avancé (soit en maturité, soit en compétences, soit en termes de compréhension de ses propres envies).
On peut aussi introduire une rupture dans l’histoire — notamment dans le cadre des reconversions —, mais même une rupture est une forme de progression (on se rend compte qu’on était bloqué dans un job qui ne nous convenait pas).
Et bien sûr, la prochaine étape de la progression du héros, c’est le job qu’il vise ! Et c’est pour ça que vous postulez aujourd’hui ! Alors, comment articuler tous ces éléments dans une lettre de motivation complète ? Voici un exemple.
Exemple de lettre de motivation façon storytelling du candidat
Objet : Candidature pour le poste de Développeur IA
Madame, Monsieur,
Quand j’avais huit ans, on m’a offert un manuel de PHP, et ce fut une révélation. Chaque jour après l’école, je me plongeais dans le monde fascinant de la programmation, découvrant la magie de créer quelque chose de nouveau à partir de simples lignes de code. Cette passion ne m’a jamais quitté et a façonné mon parcours professionnel.
Mon aventure a débuté avec des projets personnels, comme la création de petits jeux et d’outils pratiques. À 12 ans, j’ai même enchaîné les petits boulots pour m’acheter mon premier PC sur lequel j’ai pu installer Linux ! Ces expériences m’ont permis de développer des compétences en résolution de problèmes et en logique algorithmique. À l’université, j’ai obtenu un diplôme en informatique de l’Université de Technologie de Compiègne, et j’ai participé à un projet de recherche sur l’intelligence artificielle, qui a abouti à une publication dans la revue “Artificial Intelligence Review”.
Après mes études, j’ai rejoint la startup Innovatech où, depuis deux ans, je travaille sur de nombreux projets de développement web et mobile. J’ai contribué à développer, migrer une application de AngularJS à React Native et Node.js, qui a augmenté les performances de +47 %. J’ai également mis en place des tests automatisés qui ont réduit les bugs en production de ~16 % et raccourci les délais de déploiement de 22 %. J’ai pris le rôle de “Team Lead” il y a 6 mois et j’encadre depuis une équipe de 5 développeurs.
Cependant, si ce travail me plaît aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait satisfait par le degré de technicité demandé. C’est pourquoi je me forme depuis désormais un an sur les LLM pour apprendre à exploiter l’IA dans les problématiques techniques que je rencontre (les projets sont accessibles sur mon github). Avec cette évolution récente dans l’informatique, je retrouve mon émerveillement des premiers jours, comme si j’avais trouvé une deuxième baguette magique capable de résoudre une quantité de problèmes qu’on ne pouvait imaginer résoudre auparavant.
Pour toutes ces raisons, je suis particulièrement intéressé par le poste au sein de votre laboratoire de recherche sur le cancer. L’utilisation de l’intelligence artificielle pour détecter des tumeurs représente pour moi une opportunité unique de combiner mes compétences techniques avec une cause éminemment importante. Je suis tellement convaincu qu’il y a énormément de potentiel dans les nouvelles technologies pour avancer sur des problèmes aussi difficiles que la vôtre. Et je sais que l’environnement de recherche est celui qui me convient le mieux.
Je serais honoré de travailler avec vous sur vos projets, je me tiens à votre disposition pour échanger sur le sujet. Merci pour votre considération.
Cordialement,
[Votre nom]
[Vos coordonnées]
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’on découvre une réelle progression dans le parcours du candidat, et à la fin, on a une image complète et cohérente de ses aspirations.
Mais comment faire si vous n’avez pas une telle histoire à raconter ? Peut-on encore utiliser le storytelling si on ne rêve pas de son job depuis l’âge de 8 ans ? Bien sûr, et c’est tout l’intérêt du storytelling de situation !
Storytelling de situation
Le storytelling de situation raconte un évènement spécifique de votre carrière dans le but de mettre en avant certaines de vos qualités.
Ce type de storytelling sera notamment adapté dans les évolutions de postes ou les reconversions, car c’est un très bon moyen de montrer que vous avez parfaitement les compétences et les qualités requises pour le job, même si vous ne l’avez encore jamais fait concrètement !
Pour comprendre comment l’appliquer, voici le début de l’histoire (véridique) d’Alexandra, responsable de boulangerie. C’est elle qui écrit :
Le samedi soir à 23 heures, je me suis retrouvée face à une scène cauchemardesque : mon congélateur en panne et 300 viennoiseries, destinées à un mariage pour le lendemain matin, complètement ruinées. C’était la première commande de cette importance pour ma nouvelle boulangerie, reprise 6 mois plus tôt. Je ne pouvais pas me rater. Et pourtant, il ne me restait que 9 heures pour tout refaire, seule, et avec un seul four disponible dans ma boulangerie. Autant dire : mission impossible.
Ici, l’objectif d’Alexandra va être de montrer comment elle s’en est sortie. Et cette histoire va à elle seule démontrer un ensemble de qualités et de compétences qu’elle n’aurait pas pu démontrer autrement que par une histoire.
Voici un plan qui vous permettra de découper l’histoire de manière efficace :
1. Introduction : commencez par une courte phrase d’accroche qui met le lecteur face à la situation (dramatique) que vous avez dû résoudre.
2. Contexte : donnez un peu de contexte pour qu’on comprenne mieux l’importance du problème.
3. Résolution : expliquez comment vous avez résolu le problème, donnez des détails variés pour montrer vos différentes qualités.
4. Présentation : c’est ici seulement que vous vous présentez formellement (“je m’appelle Alexandra”) — et que le recruteur comprend enfin la raison pour laquelle vous le contactez.
5. L’entreprise : expliquez ce que vous aimez chez l’entreprise que vous ciblez.
6. Conclusion : revenez brièvement sur l’histoire introductive pour expliquer en quoi vos qualités correspondent à ce dont l’entreprise a besoin.
Prêt à voir ce type de storytelling en situation réelle ? Passons à l’exemple !
Exemple de lettre de motivation façon storytelling de situation
Objet : Candidature au poste de responsable de secteur
Madame, Monsieur,
On était samedi soir, à 23 heures, quand je me suis retrouvée face à une scène cauchemardesque : mon congélateur en panne et 300 viennoiseries, destinées à un mariage pour le lendemain matin, complètement ruinées.
C’était la première commande de cette importance pour ma nouvelle boulangerie, reprise 6 mois plus tôt. Je ne pouvais pas me rater. Et pourtant, il ne me restait que 9 heures pour tout refaire, seule, et avec un seul four disponible dans ma boulangerie. Autant dire : mission impossible.
J’ai songé à tout laisser tomber, à appeler le client pour lui suggérer de dévaliser tous les supermarchés du coin. Mais non, je ne pouvais pas.
Alors, je me suis mise au travail, toute la nuit. J’ai appelé mon apprenti pour le convaincre de faire un extra, j’ai contacté mes concurrents pour leur demander de l’aide — ils ont accepté de m’ouvrir leur four et m’avancer des matières premières qui me manquaient, et j’ai appelé des amis avec qui nous avons confectionné les viennoiseries jusqu’à 6h du matin. C’était dur, c’était une très longue nuit, mais nous avons réussi, et mon client était ravi du résultat !
Je m’appelle Virginia Pelletier et je souhaite rejoindre votre équipe en tant que responsable de secteur. Je sais que c’est un métier qui nécessite une grande détermination, une gestion de situations imprévues et difficiles, et des bonnes qualités de leadership. Je suis prête à vous offrir tout cela.
J’ai été particulièrement impressionnée par l’engagement de votre chaîne de boulangerie envers l’innovation et la qualité. Votre réputation pour des créations originales et attractives correspond parfaitement à ma passion pour le métier, et mon expérience de terrain sera, j’en suis persuadée, un atout pour travailler avec vos équipes.
Je suis passionnée par l’art de la boulangerie, j’aime travailler en équipe et j’aime me dépasser pour progresser. L’expérience de cette nuit difficile m’a appris l’importance de la résilience, de la collaboration et de l’innovation. Je suis prête à apporter cette même énergie et dévouement à votre équipe.
Je vous remercie pour votre considération et espère avoir bientôt l’occasion de discuter de ma candidature avec vous.
Cordialement,
Alexandra Pelletier
Cet exemple illustre parfaitement Alexandra en action ! Après avoir lu cette lettre de motivation (si on a dépassé l’étape déstabilisante de l’introduction), on n’a plus trop de doute sur le fait qu’elle soit débrouillarde, motivée, inventive, déterminée, etc. Il est plus facile de se projeter avec elle !
Conclusion : alors, quelle méthode choisir ?
Rédiger une lettre de motivation peut être une tâche intimidante et, parfois, on sent bien que notre lettre manque de caractère. En utilisant des techniques éprouvées du copywriting, comme la méthode AIDA, la méthode PAS, et le storytelling candidat ou situationnel, vous pouvez diversifier vos lettres de motivation, simplifier leur rédaction, tout en développant un discours engageant pour le recruteur.
Notre conseil : prenez le temps d’expérimenter ces approches, ne vous limitez pas aux exemples donnés ici et essayez des variations avec vos propres mots et vos propres exemples !